Dézoner ou déraisonner

David LemelinDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

C’est tentant, dézoner. Dézoner, dans le sens de retirer les attributs exclusifs aux terres agricoles pour s’étendre, encore un peu plus. C’est tentant, parce qu’on vous chuchote à l’oreille que c’est pressant… et payant.

Pour un beau-frère qui aimerait se bâtir une maison, pour un promoteur qui tripe sur les tours, pour éviter de voir untel planter sa tente chez le voisin. C’est urgent.

Néanmoins, les justifications pour favoriser le dézonage des terres agricoles de Beauport ne tiennent pas la route. On propose une vision très «1980» qui est… dans le champ.

Il faut de l’unifamilial, dit-on. Ah oui? Certes. Il y en a, à vendre, tout plein. Regardez sur internet. Et le vieillissement de la population rendra disponible une foule de maisons unifamiliales et la chose ira en augmentant, pratiquement sans cesse.

Il faut en construire de nouvelles unifamiliales? Il y a aussi du potentiel, réduit, mais existant pour ça sur le territoire. Faut pas exagérer.

Mais, dézoner des terres agricoles, c’est se priver à jamais d’un potentiel exceptionnel et précieux, c’est aller à contre-courant d’une logique qu’on essaie pourtant d’installer : favoriser le transport collectif et réduire les GES. Il y a donc mieux à faire.

Ce qu’on n’a pas encore commencé à exploiter convenablement, ce sont les écoquartiers, la densification intelligente, toutes ces possibilités qui offrent des milieux de vie attrayants, en plein centre-ville, de même qu’en banlieue, à l’intérieur du périmètre urbain. On a commencé, oui, mais c’est encore loin d’être un virage qui est effectué… on est plutôt dans l’amorce. Il y a un incroyable potentiel de densification à Québec, à commencer par l’autoroute Laurentienne, dont la conversion d’une partie de celle-ci en boulevard urbain qui permettrait de développer des quartiers et accueillir de très nombreux nouveaux ménages.

Quand ces options, dans une logique de densification, seront vraiment disponibles au plus grand nombre, faisant réaliser à tous ses nombreux avantages (proximité des services, des parcs, des commerces, du transport collectif, en cohérence avec le développement durable, etc.), alors, une partie de la population optera sans aucun doute pour ces types d’habitation, diminuant du coup la pression théorique avec laquelle on nous bassine les oreilles.

Ainsi, dans le potentiel 1980, c’est vrai : il faut d’urgence dézoner. Dans le potentiel 2018 : il y a du jeu en masse pour densifier, sans lorgner les terres agricoles.

Les gens iront ailleurs, acheter une maison unifamiliale, dans une ville voisine, ce qui favorisera l’étalement? Il y en aura qui y tiendront. Ils sont libres, vous savez? Mais, dans l’ensemble, une planification du territoire faite avec intelligence réussira à répondre aux besoins et aux attentes, sans jouer le jeu des spéculateurs qui s’amusent comme des petits fous quand on parle de dézoner ce qui leur était jusqu’alors refusé.

Les mains se frottent. Mais, c’est rarement pour le bien collectif. C’est plus souvent pour faire du profit privé d’un bien qui était jusque-là collectif. La clairvoyance est donc de mise.

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