Impressions citadines : Maudite culture des assurances et de la peur des poursuites

veste de sauvetage

Sur une plage tranquille, en pente ultra-douce, quelque part au Canada.

Deux enfants : quatre ans et un an et demi. Je suis l’Himalaya à l’assaut de deux redoutables alpinistes. Le mot «Maman!!» entre autant de fois dans mon tympan en une heure qu’il y a de gouttes d’eau dans l’océan.

Heureusement, quelque chose me permet de remonter à la surface du monde maternel pour respirer au grand air : l’eau. Les petites filles s’y jettent et apprennent à y nager dans une joie libératrice. Je ne les lâche pas des yeux, même si la plage est surveillée par des sauveteurs qu’on a plantés à tous les X mètre. La grande porte un ballon dans le dos; la petite, des brassards flottants. Grâce à leur gréement respectif, toutes deux nagent comme Sylvie Fréchette.

Je n’en suis pas encore à pouvoir lire un livre, somnoler ou jaser de façon continue avec mon amie. Mais je me retrouve, dans cette soudaine et radicale diminution du taux de sollicitation/minute, pas très loin du nirvana.

Évidemment, ça ne dure pas. Une sauveteuse, ado mais pas du style rebelle, arrive vers nous. «Those swimfloats are not allowed on the beach. If you want your kid to wear a floater it has to be a Canadian-government approved PFD.»

Ign? Je discutaille et finis par comprendre. Oubliez ballons dans le dos et brassards : pour se baigner dans la mer, les enfants doivent enfiler une veste de sauvetage. Pas un truc de natation, non. Un truc de sauvetage. Approuvé par le gouvernement du Canada, s’il vous plaît.

Elles peuvent par contre se tremper les pieds sans porter de flotteurs du tout, ajoute-t-elle dans un sourire fake. Je prends le temps de détester son conformisme soumis (même pas un petit «je sais que c’est con, mais c’est de même», non, elle endosse avec enthousiasme les règles de son boss comme une petite Eichmann).

Avez-vous déjà mis une enfant de quatre ans et moins dans une veste de sauvetage? Immobilisée sur le dos, la tête maintenue vers un ciel éblouissant de soleil, des pattes qui se débattent dans le vide et un chignage constant qui ne laisse aucun répit à la mère. Cette veste, comme son nom l’indique, n’est pas faite pour nager, mais pour sauver un enfant de la noyade.

Je vous répète qu’on est surveillés par une dizaine de sauveteurs. Y a pas à dire, on est safe, icitte. Aucun enfant ne s’étouffera – ni ne prendra son pied – à la plage aujourd’hui.

Maudite culture des assurances et de la peur des poursuites judiciaires. Je te flusherais tout ça, moi. J’écrirais «à vos risques et périls» partout.

En attendant, je fuis les plages règlementées. Je les emmène nager dans une rivière, sur une plage cachée que j’aime bien, à l’insu de son propriétaire public ou privé. Je les emmène, à nos risques et périls, goûter à l’eau, à la vie, aux cris de joie et aux bouillons, je les emmène apprendre à faire attention au courant, à ne pas respirer l’eau qui entre quand la tête s’enfonce. Je les emmène dealer avec le danger.

Je ne vois pas d’autre moyen d’apprendre à survivre dans l’eau sans renoncer à la joie.

  1. Bonjour,

    En tant qu’ex-sauveteur (9 ans d’expérience), ex-monitrice et ex-instructrice de natation pour la Croix Rouge, j’aimerais beaucoup t’expliquer l’envers de la médaille.

    Ce n’est pas vraiment une raison de poursuite probable pour laquelle les brassards flotteurs sont interdits dans les piscines et plages surveillées par des sauveteurs. Ce sont les aides flottantes les plus dangereuses. Elles glissent facilement et n’ont aucune réglementation dans leur développement. Un petit bout de plastique fait en Chine! J’ai vu plusieurs enfants glisser de leur swim-aid…. De quoi faire paniquer n’importe quel parent.

    De plus, ces aides flottantes ne peuvent pas permettre de développer pour l’enfant les réflexes moteurs de base en natation qui lui permettront, en cas de noyade, d’éviter le pire. Quand on se noie, les jambes sont inefficaces, ce sont les bras qui nous maintiennent hors de l’eau. Si un enfant nage toujours avec des brassards, ca lui donne un faux sentiment de sécurité et il ne saura pas se maintenir à la surface.

    De plus, ce n’est pas parce qu’il y a des sauveteurs aux X mètres que la vigilance n’est pas de mise. Tout enfant de mois de 6 ans (variable d’une piscine/plage à l’autre), doit être accompagné ***dans l’eau*** de son parent ou d’un adulte. Pas « vu de la plage »… Ce sont des éléments de base qui sont très mal compris par bien des gens et qui mettent en danger la vie de leurs enfants.

    Cela me donne des frissons de lire ton article. Sincèrement, c’est l’équivalent, à mes yeux, de dire que « c’pas grave prendre 2-3 verres avant de conduire, les ambulances arrivent vite sur les accidents d’auto ». C’est négligeant.

    Si tu as des questions, n’hésite pas. Tous les sauveteurs du Quebec t’en seront bien reconnaissant de rectifier les faits. Ca nous glace le dos de lire ces choses.

    On n’est pas en power trip, ni des « brain-washés »; on a fait des dizaines d’heures de formation et de stage pour s’assurer que, si le pire arrive, nous serons là pour vous aider. Et comme dans toute chose, la prévention est le meilleur des remèdes.

    Merci pour ton attention.

  2. Merci pour ce commentaire pertinent et constructif. J’espère que Catherine en tiendra compte. Des aides à la nage qui n’en sont pas.

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