La madame de la caisse

Quoi qu'on dise par Martin ClaveauMartin Claveau (Photo : archives Carrefour de Québec)

Quiconque passe par une caisse Desjardins en début de mois tombe sur une salle pleine. D’ordinaire, j’essaie d’éviter et je choisis une autre journée, mais lorsque je ne peux faire autrement, je fais la file comme tout le monde.

Il y a beaucoup de personnes âgées qui attendent évidemment. Les services par Internet sont souvent trop complexes à utiliser pour bon nombre d’entre eux. C’est le cas de mon père par exemple.

Parmi ce groupe bigarré qui attend avec moi en ce vendredi matin, une femme attire mon attention. Elle mesure probablement 4 pieds et 8 pouces. Son visage est déformé d’un côté, un de ses yeux est plus bas que l’autre et ses doigts semblent avoir été amputés. Bref, elle n’a pas grand-chose pour elle. Pourtant, elle est maquillée et, bien qu’elle ne porte pas de vêtements Rudsak à 1500$, elle est habillée proprement. Elle est assise et attend son tour en silence. Bien entendu, à peu près tout le monde ne peut s’empêcher de la regarder du coin de l’œil. La plupart des gens se disent sans doute qu’elle est bien malchanceuse. J’imagine qu’elle ne travaille pas et qu’elle doit bénéficier d’une petite rente d’invalidité, ou quelque chose du genre. Elle semble fière cependant et elle peut venir régler ses affaires quelque part. Elle ne sort sans doute pas trop souvent, de crainte de voir le regard des gens se poser sur elle dans la rue. Aller faire son tour à la caisse en début de mois lui permet toutefois de voir un peu de monde. Elle a peut-être un peu d’argent de côté, peut être pas; mais elle a une place pour le mettre quand même, c’est déjà ça.

J’ai été conditionné jeune à aimer les caisses Desjardins. Au primaire, nous étions tous fiers de déposer un dollar dans notre compte à la caisse scolaire. Je n’ai jamais changé de fournisseur de service financier depuis. Un peu par habitude, sans doute, mais beaucoup parce que Desjardins m’a toujours paru meilleure que les autres institutions financières.

Durant ma vie, au fil de mes déménagements, je suis passé de la caisse de Stoneham, à celle de Loretteville, puis finalement à celle de Limoilou. Quand nous avons lancé ce journal, il n’y a que la caisse de St-Esprit (Limoilou) qui ait accepté de nous prêter de l’argent. Bien sûr, des caisses ont été fusionnées, des places d’affaires fermées, au nom de la rationalisation. Mais je crois que, malgré ce que certains disent, la nature coopérative de l’institution, elle demeure. Ça représente un avantage, mais aussi un handicap.

Ma petite madame qui attendait son tour ne le sait pas, mais elle représente un peu ce que Desjardins fait de bien. Bien sûr, comme tout le monde, j’ai parfois eu des problèmes avec des caissières blasées, mais je crois que malgré tout, le fond de l’institution que représente Desjardins demeure bon.

Les caisses Desjardins ne refusent pas grand monde, contrairement aux banques, qui recommandent souvent à leurs clients gagne-petit, d’aller ouvrir un compte… chez Desjardins. Ces milliers de comptes, qui frôlent souvent le découvert, représentent souvent un boulet pour les caisses. Reste que ça fait aussi partie de leurs fondements, alors leurs détenteurs auront toujours droit de cité. Et ça, ça fait bon à voir en terminant la semaine de l’économie sociale et ça rend ma petite madame contente.

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