Maudit, je me suis acheté une canne à pêche…

Le Carrefour de Québec

En feuilletant les journaux de la fin de semaine et comme d’habitude ne m’attendant à pas grand-chose, j’ai été étonné d’apprendre que le français décline à Montréal. C’est que, voyez-vous, je n’y ai jamais mis les pieds. 

Par Georges-Albert Beaudry

Je blague.

Ce qui m’a vraiment surpris, par contre, c’est la variété des opinions émises à ce sujet par certains de nos meilleurs chroniqueurs. 

Dans Le Devoir, Jean-François Lisée a abordé le problème en homme concret. Selon lui, les institutions n’en font pas assez à l’heure actuelle pour valoriser l’usage du français, notamment en milieu de travail. Le résultat, c’est que le français recule à un point tel que même une immigration exclusivement francophone au cours des prochaines années ne suffirait pas à renverser la tendance, qui est déjà trop lourde. Cela pourrait au plus, écrit-il, réduire la fièvre, mais pas l’éliminer.

Comme le problème est en partie institutionnel, une partie de la solution le sera nécessairement aussi. Lisée plaide donc en faveur d’une « action structurante » de la part du gouvernement qui consisterait entre autres à assurer que l’éducation postsecondaire se déroule obligatoirement en français pour tous.

Je ne doute pas que de telles mesures auraient des effets. Mais cette solution n’est radicale qu’en apparence. S’assurer que les gens parlent le français dans leur milieu de travail, ce n’est encore que de traiter un symptôme. 

Le mal est ailleurs. Il est en nous, nous en sommes pénétrés tout entier. 

C’est pour cela que j’ai trouvé belle la fin de la chronique « Faire aimer la langue » de Jean-Marc Salvet, dans Le Soleil :

« L’État a des responsabilités prépondérantes et incontournables en la matière (*on parle ici de l’avenir de la langue française), écrit-il. Il nous appartient cependant à nous tous, en tant que citoyens – ou au plus grand nombre d’entre nous, en tout cas (*admirez la nuance !) -, de faire aimer la langue française. De la faire aimer non seulement aux personnes qui, venant d’ailleurs, ne la connaissent pas ou peu, mais aussi à de très nombreux francophones eux-mêmes. Tous ceux qui ont à cœur l’avenir de la langue française au Québec doivent en être non seulement des défenseurs, mais des ambassadeurs. »

N’ayons pas peur de le dire, Salvet était vraiment bien parti. 

Son idée m’a quand même laissé un peu songeur.

Je me suis dit d’abord qu’il était regrettable qu’il ne soit pas allé au bout de son idée, qu’il ne nous ait pas dit ce que cela peut bien vouloir dire que d’être un « ambassadeur », et qu’il ne nous ait pas exposé quelques moyens par lesquels « faire aimer la langue française ». 

Bref, je trouvais que ça sonnait creux. 

Puis le génie de Jean-Marc Salvet m’est apparu comme dans un éclair.

Le mal est ailleurs, que je disais, il est en nous. Ce mal, c’est une culture de l’à peu près, fondée dans l’habitude de ne faire que ce qui est utile. 

On cherche du sens partout, quand on n’en trouve pas ou pas assez on essaie de le booster avec des sornettes, on s’irrite outre-mesure de la moindre contradiction et du plus petit contresens.

Et tout le monde le sait.

« Sauver » la langue française au Québec, ça sert… à rien.

D’où l’écœurantite lorsqu’on entend les législateurs, les donneurs de leçon et autres pédants nous battre les oreilles avec des raisons de faire attention à notre langue.

Vous justifiez-vous souvent d’aimer votre blonde ou votre chum ? D’aimer perdre votre temps un après-midi d’été avec quelques amis ? D’aller sous les tilleuls boire une limonade ?

Si vous le faites, n’avez-vous pas l’impression que vos « raisons » restent en-deçà de votre sentiment, qu’elles le réduisent à quelque chose de moins… beau ?

J’ai un ami qui va à la pêche depuis deux ou trois ans. Il ne sait pas trop pourquoi il a commencé. Il me parlait l’autre jour de ses nouveaux hameçons – il voudrait bien pogner un gros pike (pour les profanes : il s’agit d’un brochet) l’été prochain. Maudit, je me suis acheté une canne. Et j’haïs me salir les mains… c’est pour dire !

Et c’est un beau hasard : je n’aime presque rien de ce qu’on s’efforce de me convaincre d’aimer.

J’ai l’air de perdre le fil, mais pas complètement. Ce que je dis un peu confusément, c’est que le remède à notre mal, c’est peut-être de prendre l’habitude de faire des choses pleinement et sans aucune raison. 

Le français, on aura beau dire et on aura beau faire, il faut peut-être juste aimer ça, comme on aime tout ce qui est absolument inutile.  

Merci Jean-Marc.

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