L’art du sondage

David LemelinDavid Lemelin (Photo : Archives Carrefour de Québec)

Le sondage dévoilé par Québec 21 n’est pas un sondage : c’est un exercice de propagande. 

Réaliser un sondage est un travail sérieux, compliqué, complexe, difficile, qui prend du temps et mérite soin et attention. Chaque mot est important. Chaque question, dans quel ordre, avec quels choix de réponses. C’est fondamental. 

Ici, on a décidé de vous manipuler.

On commence doucement, en vous demandant si vous êtes favorable à l’amélioration du transport en commun. Oui à 84%. Normal, personne n’est contre la vertu.

Puis, on vous glisse l’option d’améliorer l’offre actuelle d’autobus. Oui à 75%. Ajouter des bus, ça ne fait pas mal. Puis, là, on se gâte : un préambule où on parle des coûts de « plus de 3 milliards $ » avec la question qui tue : « Êtes-vous en faveur ou opposé à la réalisation de ce projet de tramway à Québec? »

Tordu. L’ordre nous pousse naturellement à grimacer en pensant à l’ampleur du projet. Et on prend soin, d’ailleurs, de parler de « tramway », de manière à vous mettre dans la tête que le bidule avec des wagons coûte 3 milliards $, pour que vous pensiez que c’est trop.

Mais, c’est faux. C’est le projet ENTIER qui coûte 3 milliards $. Ça inclut les trambus, les ajouts de parcours, les stationnements incitatifs, les remontées mécaniques, alouette…

Qui plus est, on fait exprès de limiter les choix, entre « favorable » et « opposé ». Pas de place à la nuance, à des variations du type « très » ou « plutôt » ou encore « neutre » ou « ne sais pas ». 

Non. On ne veut pas savoir ce que vous pensez, on veut vous conduire à la destination déjà prévue : le rejet du projet. D’ailleurs, quand Léger posait la question en utilisant les termes « réseau structurant », l’appui était à 61%. 

Hasard? Le sondage se cale encore davantage lorsqu’on considère la question à savoir si vous avez ou non changé d’avis. C’est non à 86%. 

Alors, comment, mathématiquement, expliquer qu’on dégringole de 13 points de pourcentage, alors que la vaste majorité des gens ont la même opinion? Opinion qui, il y a peu, oscillait entre 59 et 61% d’appuis favorables.

Si le sondage tenait la route, et supposant que la totalité de ceux qui changent d’avis s’oppose désormais au projet, on aurait pu comptabiliser une perte de peut-être 7 ou 8 points, mais certainement pas 13.

On se joue de nous. Pour conclure, une remarque à ceux qui m’ont dit : « as-tu vu le sondage? Le tramway est dans le trouble », j’ai demandé en retour : « as-tu lu le sondage? » 

Aucun ne l’avait lu. C’est là, sans doute, la seule vraie force de ce sondage bidon : continuer de salir un projet nécessaire pour Québec en se servant du fait que les gens n’ont, souvent, pas le temps de s’arrêter aux détails. C’est machiavélique et efficace. Mais c’est mal.

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