Jamil : Chasseur de déprime

En 2017, Jamil s’est isolé avec des amis musiciens pour enregistrer dix-huit chansons en deux jours. Ainsi naissaient les deux premiers volets de sa trilogie Toutes les libertés, «Chansons autorisées» lancée en 2017, puis «Chansons interdites» en 2018. Croiser le verbe avec Jamil me confirme ce que je sais déjà depuis des lunes : cet être à part rit de ses malheurs, déverse ses indignations, expose ses peurs tout en les apprivoisant, cherche à cerner les mystères de l’amour et à contrer sa crainte de la mort. Rare artiste qui s’autoproduit depuis ses débuts, la seule étiquette qu’on peut lui affubler est celle de demeurer un homme libre.

Par Susy Turcotte

Que désirais-tu exprimer dans «Gens du naufrage»? Lynda Thalie, avec ses incantations magnifiques, incarne bien cette sœur de courage.

Jamil : J’ai écrit «Gens du naufrage» pour évoquer tous ces gens qui traversent la Méditerranée. On est vraiment coupables de négligence criminelle parce qu’on laisse faire quelque chose d’atroce. C’est une horreur absolue, qui se fait au vu et au su de tout le monde. Et personne ne bouge. Ce n’est pas une chanson qui juge. Elle décrit simplement ce qui se passe. Je la vois comme une minute de silence. Lors d’une minute de silence, on se tait tous pour penser en même temps, porter notre attention sur un événement douloureux, devant une situation qui nous désarçonne et qui nous fait de la peine.

Le texte de «Fatigué» qui clôt l’album est clamé, et des passages criés.

J. : Je voulais slammer un texte. Il était onze heures du soir. On venait de faire huit chansons en ligne; on était envahis de fatigue. J’ai baissé la tête, j’ai livré le texte; les musiciens ont baissé la tête et fait la musique. À la fin, on s’est regardés, conscients qu’il s’était passé quelque chose qu’on ne pouvait refaire deux fois. Ce qu’on entend sur l’album, c’est cette prise unique, la captation d’un moment magique.

Tu dis «Je suis trop lucide». Est-ce que tu crois que la lucidité rend hypersensible?

J. : La lucidité rend asocial. Être dans les chemins de traverse offre des moments exaltants, mais, en même temps, il faut avoir la couenne dure. Je ne sais pas si c’est un choix dans mon cas. C’est un choix de survie. Si j’étais rentré dans le rang, je serais mort depuis longtemps.

La quête de liberté, est-ce qu’elle passe par la création?

J. : La création, est-ce une quête? Ou si j’essaie de me convaincre que je suis libre ? Est-ce que la liberté existe vraiment? Je pense que non. Je pense qu’on a la liberté de choisir notre cage. Le fait de choisir, c’est déjà une grande liberté.


Jamil se perçoit comme un chasseur de déprime : «Ça fait partie d’une mission que je me suis donnée. J’aime soulager les gens, ça me soulage. La vie c’est dur». Pour des informations additionnelles, visitez le site Web de l’artiste.

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