Richard Séguin : Émerveillement et indignation

Richard SéguinPhoto: Courtoisie

Walden ou La vie dans les bois s’est faufilé dans l’existence de Richard Séguin peu avant sa trentaine et cette œuvre phare l’accompagne depuis plus de trois décennies. Le philosophe Henry David Thoreau a publié ce livre au 19e siècle, et pourtant ses réflexions avant-gardistes demeurent porteuses d’illuminations pour qui sait s’y plonger et les laisser irradier.

Par Susy Turcotte

Créer Retour à Walden sur les pas de Thoreau a nécessité un long temps d’arrêt. À 60 ans, Richard Séguin, aidé par deux menuisiers, s’est bâti une cabane à flanc de montagne, près de chez lui, avec vue imprenable sur les Appalaches. Étrangement, cette cabane avait les mêmes dimensions que celle où se réfugiait Thoreau durant deux ans et demi. «C’est à cet endroit que je me retirais, il y a quatre ans. J’y allais quotidiennement. Dans ce repaire, je n’avais que les livres importants pour moi, des livres de référence, des textes de chansons. Il n’y avait pas d’électricité. Je n’étais pas dérangé et mon niveau de concentration était élevé. J’avais seulement conscience du passage des animaux et des oiseaux; éperviers, renards et chevreuils se relayaient.»

Dès les premiers moments d’écriture et de composition, Richard Séguin visualisait ses personnages: Jorane incarnant Lidian Emerson, Élage Diouf en William et Normand D’Amour comme fantôme de John Brown. «Élage était à l’aise avec son personnage. Il a même improvisé des passages en wolof. Il percevait les chansons que je lui confiais comme des prières à la liberté.»

Les coréalisateurs Hugo Perreault et Guido Del Fabbro ont bien saisi la puissance de la parole de Thoreau, les subtilités des personnages et l’environnement musical qui devait les nimber. «L’harmonie était au rendez-vous, comme l’intensité. J’aime offrir à mes complices des images pour indiquer ce que je désire comme empreinte sonore. En 1992 et en 2018, j’étais allé à Walden avec ma compagne Marthe, et nous avons pris beaucoup de photos. J’ai partagé ces photos avec mes musiciens et interprètes pour qu’ils s’en imprègnent et laissent l’espace aux mots et aux voix.»

Émerveillement et indignation s’entrecroisent chez Thoreau. «Je ne sais pas comment Thoreau a vécu sa colère intérieure, mais je me devais de l’exprimer dans Désobéir. La pièce qui suit, Guerre et tempête, offre une réponse immédiate avec le texte de Normand Baillargeon qui donne écho aux revendications qu’on pourrait avoir aujourd’hui avec l’outil démocratique que Thoreau a pu nous léguer dans La désobéissance civile.» Et, effectivement, cette phrase répétée de Normand Baillargeon incite à l’urgence d’agir, de secouer l’apathie et s’engager : «On devrait être beaucoup plus révoltés et indignés que nous ne le sommes.»

Je rêve à demain que chante Jorane en fin de parcours ajoute une vision féministe. «Cet hymne d’abord avec voix solo se transforme en un chant choral comme si ce chant était partagé. Elle revendique cette voix des femmes. Elle rêve, elle imagine le droit des femmes, leur désir d’être prises au sérieux dans l’écriture.»

Henry David Thoreau désirait que chacun soit attentif à découvrir et à suivre sa propre voie. Il concluait ainsi son Walden, ouvrant les fenêtres de l’éblouissement et d’une paisible méditation : «/…/tel est le caractère de ce demain que le simple laps de temps n’en peut amener l’aurore. La lumière qui nous crève les yeux est ténèbre pour nous. Seul point le jour auquel nous sommes éveillés. Il y a plus de jour à poindre. Le soleil n’est qu’une étoile du matin.»

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