Impressions citadines par Catherine Dorion: Reconstruire

apiculturePhoto : Courtoisie

David Desjardins décrivait, dans Le Devoir de samedi dernier, sa difficulté de parler des élections aux enfants sans leur transmettre une certaine incapacité de croire en la chose politique. Je lui ai écrit ceci :

« Mêmes conversations ici avec les enfants. Mais tu ne lui lègues pas l’incapacité de croire. Tu lui lègues peut-être l’incapacité de croire dans toute cette machine (vote, partis, parlements… où le pouvoir et, finalement, la réelle politique ne se situent pas/plus), mais ça n’est pas triste. Il existe de la vie, et beaucoup de mouvement en dehors de ça. Il y a des gens qui prennent des initiatives, des Fred Pellerin qui mettent leurs ressources à reconstruire des communautés et qui font qu’un village, tout à coup, est plus difficile à exploiter, à aplatir, à effouarer devant des télés. »

Dans son coin, Pellerin organise des soirées où, par exemple, tout le monde se retrouve chez Anicet, l’apiculteur. On paye un petit montant pour la bouffe, on mange un repas gastronomique full miel et on fait le party – et, surtout, Anicet nous parle de ses affaires. C’est pas un représentant des ventes. C’est pas le candidat d’un parti environnementaliste. C’est juste le voisin. Pourtant, c’est une soirée très politique. On ne peut pas jaser des affaires d’Anicet sans parler des abeilles qui meurent dans une proportion effarante, sans parler des pesticides, sans parler de l’agriculture de masse, sans parler des lobbys, des ententes internationales et, finalement, de nos gouvernements. Tout finit par remonter là – mais jamais en tant que possibilité, non, juste en tant que cul-de-sac fondamental. Si le gouvernement est encore une zone de possibles, c’est, semble-t-il, pour les Grands seulement, et nous n’en sommes pas. Mais ce n’est pas une conférence de gourou. C’est une soirée où des liens humains se renforcissent entre des gens qui saisissent leur situation ensemble plutôt que de rester chacun chez soi devant Vendre ou rénover. Le mois d’après, c’est chez un autre voisin. Les points se connectent, comme disent les anglos. Politiquement, c’est très fort.

Je lui écris « Parfois je me demande même si ce n’est pas parce que nous y croyons encore, à toute cette patente, qu’on reste là effarés, incapables d’imaginer autre chose qu’une nuit d’élections magique qui nous sauverait enfin – alors que ça n’arrivera pas. Le jeu est truqué. » Dire « Le jeu est truqué » n’est pas défaitiste. Ça n’est pas plus déprimant, en tous cas, que celui qui dit : « L’avenir est dans les élections » et qui, comme une anorexique pense que son bonheur dépend de la famine, foncera dans cette absurdité jusqu’à la fin.

Ce n’est plus là qu’elle est, la démocratie. Elle est en miettes, partout autour de nous, dans le moindre voisinage, dans la moindre initiative locale, dans la solidarité des parents et des professeurs, elle est là, partout, en attente d’être reconstruite.

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