Impressions citadines : La foi aveugle

Impressions citadines par Catherine DorionCatherine Dorion

Il y a beaucoup de types d’indépendantistes – de tous les types, en fait. C’est pour ça qu’ils sont exaspérants ceux qui sont sympathiques à l’idée mais qui refusent de se dire indépendantistes parce qu’ils ont internalisé le discours de ceux qui répètent que nous sommes tous les mêmes (frustrés, apeurés par l’Autre, refermés sur nous-mêmes, etc.).

Mais il en existe un type qui m’étonnera toujours. Il a une certaine parenté avec la personne amoureuse qui se fait accroire que l’être aimé, même s’il lui a donné des tonnes de signaux clairs de la non-réciprocité de ses sentiments, a ses raisons de « faire semblant » de ne pas l’aimer et projette secrètement de la demander en mariage. Il n’est peut-être pas prêt à vivre le grand amour et il a peur…? Il analyse sûrement mal ses propres sentiments? Etc. L’amoureux éperdu s’enferme ainsi, parfois pendant des années, dans un attentisme fondé sur la croyance aveugle que l’autre est amoureux lui aussi même si tous ses agissements indiquent le contraire.

Ce type d’indépendantiste croit, à chaque élection québécoise, que le PQ, même s’il ne dit mot du projet souverainiste et fuit comme l’Ebola les questions qui y sont liées, a un plan qu’il cache à l’électorat par ruse afin de se faire élire sans lui faire peur. Un plan qu’il mettra en oeuvre le lendemain de son élection majoritaire pour mettre un pays au monde en dessous de la table. « Oui, oui, nous disent-ils avec assurance dans les rencontres entre indépendantistes, je te le dis, ils vont le faire ». Ils colportent des rumeurs vagues : « Je connais tel employé de tel député. Ils ont un plan. » Tout leur dit que le PQ n’a aucune intention de faire avancer l’indépendance du Québec, mais ils ont la foi – comme l’amoureux qui parvient à voir un signe positif dans le fait que l’objet de son amour ne retourne jamais ses appels.

Il en est de même de l’espoir prématurément généré par l’arrivée de PKP qui, jusqu’à maintenant, s’est entouré de la nomenklatura péquiste la plus attentiste, les artisans de la déconfiture du parti qui, tout en évitant le sujet éléphantesque-dans-la-pièce, tenaient absolument à continuer à dire que seul le PQ pouvait réaliser l’indépendance, coulant ainsi consciencieusement le projet avec lui. Si c’est l’indépendance qui motive PKP au premier plan – ça se peut, et il faut absolument lui donner le bénéfice du doute – cela reste encore à affirmer et, surtout, à prouver avec des actes et des prises de positions claires et compromettantes. Mais ceux qui ont la foi n’attendent pas de savoir. PKP le fera. Tout leur militantisme s’arrête. « Il le fera, je vous le dis, c’est juste qu’il a ses raisons pour ne pas se positionner tout de suite. » Et ils tentent activement de convaincre toute la très diverse famille des militants indépendantistes qu’il faut abandonner les autres avenues et se positionner tout en bloc derrière Péladeau. Avec la foi aveugle de l’amoureux qui espère et qui ne voit plus personne d’autre dans sa mire.

Je ne dis pas qu’il ne faut rien espérer de cette avenue-là. Qui sait ce que l’avenir nous réserve. L’Histoire se revire périodiquement sur un dix cennes. Tout est possible. Je dis qu’il ne faut pas mettre niaiseusement tous nos oeufs dans un panier dont la solidité n’a pas été éprouvée. Et puis de toute façon, comme répondait Chartrand à ceux qui lui disaient qu’ils étaient derrière lui : « Marchez pas derrière, marchez à côté! »

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