Impressions citadines : L’avenir et le risque

Catherine DorionCatherine Dorion

La moyenne d’âge devait être de 28 ans. On jasait de REER, de REEE, de CELI. Personne autour de la table n’avait très confiance en l’avenir de notre système économique, encore moins en l’infaillibilité des banques.

De quoi aurons-nous l’air, nous sommes-nous demandé pour rire (mais au fond, la question était sérieuse), si nous placions nos revenus comme il faut, comme des élèves parfaits, le coeur plein d’espoir de faire plus d’argent avec notre argent, et que tout ça finissait en bulle de savon qui pète sur le trottoir?

Je ne vous ferai pas la liste des exemples récents, dans le monde développé, où des classes complètes d’épargnants ont tout perdu. Allez voir, pour le fun, l’article «Liste des crises monétaires et financières » sur Wikipédia.

Dans l’ordre de notre monde, beaucoup de choses ne semblent plus tenir qu’à un fil. De l’expert au pilier de bar, nous faisons tous des pronostics sur la capacité de charge de ce fil, sur sa durabilité, etc. – mais en la matière nous sommes tous, économistes y compris, des diseuses de bonne aventure.

Et si tout ça tombait d’un coup chez nous? Les exemples récents où l’austérité budgétaire a mené à des crises du genre sont légion. Qu’arriverait-il de nos placements? Qu’arriverait-il de la valeur de notre condo neuf? De nos retraites? Demandez à toute une trâlée d’Américains ordinaires, d’Argentins, de Grecs, d’Espagnols. Demandez à ceux dont la monnaie a chuté comme ça, paf, fini, ton cent mille piastres vaut maintenant deux dollars US, ton hypothèque à quatre cent mille est maintenant accotée à une maison qui ne vaut plus rien.

J’arrête là. Pardonnez mon trop jovialiste catastrophisme. Toujours est-il que nous étions beaucoup autour de la table à n’avoir jamais sérieusement pensé à ça, les REER, les REEE et cie. Sommes-nous irresponsables? Non, ce n’est pas ça. Notre foi en notre système économique – et politique, parce que celui-ci est depuis longtemps inféodé à celui-là – est simplement très basse. Et qu’arrive-t-il lorsque la foi d’une population en son système baisse? Ah, là, c’est exactement comme pour la finance : quand on arrête de croire à la valeur d’une monnaie ou d’une action, elle tombe. Qui aurait pu prédire que l’URSS allait s’effondrer de l’intérieur? Personne. Mais il ne restait pas grand soviétique, à part quelques apparatchiks heureux de leurs privilèges, pour croire à cette affaire-là et la défendre. Ici, lorsque suffisamment de gens (et je serais prête à parier cher que, chez nous, leur nombre grandit) cesseront de croire en la solidité et en la valeur de notre système, lorsque les promesses des banquiers ne nous exciteront plus parce que nous craindrons moins de vieillir pauvres que de se faire choper ce qu’il nous reste, peut-être déciderons-nous que ça ne vaut pas la peine de s’échiner comme des diables dans l’eau bénite pour se «padder» de produits financiers dont on ne sait absolument pas ce qu’ils seront devenus dans vingt ans.

Peut-être, alors, serons-nous de plus en plus nombreux à vivre dans le présent. Notre pouvoir d’achat sera plus bas, mais je ne suis pas sûre que nous soyions plus pauvres. En tous cas, nous ne serons jamais aussi pauvres que ceux qui ont tout mis dans une promesse d’avenir faite par un système qui risquait pas mal de ne pas en avoir, d’avenir.

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