«Le sel de la terre, confessions d’un enfant de la classe moyenne» de Samuel Archibald

Impressions citadines par Catherine DorionCatherine Dorion

Samuel Archibald nous apprend que, dans ce soi-disant paradis du contribuable que sont les États-Unis, mettre un enfant à la garderie, ça coûte 11 666$ par année. Et qu’au Québec, le contribuable qui «a une famille, une vie et surtout pas le temps de manifester» (dixit RadioX) fait partie des citoyens les plus fiscalement avantagés du Québec, de ceux qui profitent le plus de ces services sociaux qu’il faudrait mettre aux poubelles parce qu’on est «crissement tannés de subventionner n’importe quoi» (dixit un auditeur de RadioX).

Cependant, pour la plus grande jouissance du lecteur, le livre d’Archibald n’est pas un ramassis d’arguments rationnels. C’est une ode tendre à la classe moyenne, à cette espèce en voie d’extinction dont il est issu. L’auteur la regarde avec l’amour mature de celui qui en étudie les défauts sans que le jugement moral n’assèche l’attachement qu’il l’y lie. Avec une douce indulgence. La classe moyenne lui fait penser au dicton d’un ami de son père : «La vie, c’est un combat. Pis ton pire ennemi, c’est toué.»

Ouin. Pas mal de sagesse là-dedans. Et puis, le livre est vraiment drôle. En répondant à son «Cher X» écoeuré de payer, il écrit : «les centres pour femmes battues? Moi aussi, ça m’écoeure ben gros de payer pour ça. Ça pis les petits enfants qui ont le cancer. Je veux dire : qui s’en paient donc tout seuls, des crisses de clowns». J’ai ri, fort. De quoi retourner contre ces chiâleux chroniques-là l’accusation de bébés gâtés égoïstes qu’ils lancent toujours à tout vent.

Et puis, j’en dois une à Samuel Archibald. Il m’a réconciliée avec ces choix de vie que j’ai fait par instinct mais dont je réalise aujourd’hui que j’avais un peu honte, parce qu’ils ne correspondaient pas au «modèle». Vers la fin du livre, il écrit :

«J’ai des amis qui sont parents et qui ne se sentent pas obligés pour autant d’avoir une grosse job steady ou de prendre le plus de contrats possible pour en piler pendant que c’est le temps. […] Plusieurs ont juste un sens commun un peu différent du gros bon sens qui s’énonce aujourd’hui sur toutes les tribunes. Leurs enfants sont bien – je ne veux pas dire parfaits, je veux dire aussi bien que les autres. […]

Ces gens-là font des choix de vie dont le motif premier n’est pas l’argent, et ils s’arrangent. Ils ne sont ni riches, ni pauvres, mais ils ne se réclament pas de la classe moyenne. Ils ne se reconnaissent pas en elle et elle ne se reconnaîtrait pas en eux. Ils dépensent moins qu’elle, consomment moins qu’elle et polluent moins qu’elle aussi. Certains vivent même en partie de ce qu’elle jette. Ils ont moins à perdre qu’elle, aussi, et moins peur des tempêtes qui s’annoncent.

Ils ne portent pas encore de nom et pourtant ils existent.

Et c’est eux le sel de la terre, désormais.»

Merci, man. Ça m’a tellement fait du bien de lire ça, j’en ai braillé.

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