Saviez-vous que… souvent, les réalisations importantes de certains individus se voient occultées par les accomplissements d’autres personnes.
Une chronique de Pierre Drolet
Cela a été le cas pour Marie Gérin-Lajoie. Sa mère, Marie Lacoste Gérin-Lajoie, qui figure avantageusement dans le Monument en hommage aux femmes en politique, situé sur le terrain du Parlement de Québec, a milité pour le droit de vote des femmes au Québec et a cofondé, en 1907, avec Caroline Dessaulles-Béique, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, organisme ayant pour but de discuter des intérêts des femmes et d’aider leur action dans la famille et la société, dont elle a été présidente de 1913 à 1933. Et son neveu, Paul Gérin-Lajoie, figure majeure de la Révolution tranquille, est devenu l’instigateur de la Commission Parent, puis le premier à être ministre de l’Éducation du Québec. Il a inspiré la politique internationale de la province, dirigé l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et créé la Fondation portant son nom, afin d’améliorer l’éducation dans les pays en voie de développement.
C’est ainsi qu’il ne faut pas oublier les réalisations de Marie Gérin-Lajoie[i] (9 juin 1890 – 7 janvier 1971), également exceptionnelles. Elle a surtout aidé les femmes à comprendre leur situation et à exercer leur autonomie par la formation, afin que grâce à leur leadership dynamique, elles se vouent au service de leur famille et de la société, et s’épanouissent dans des œuvres d’action sociale. Pour accomplir cette tâche, Marie prend sa formation au sérieux. Croyant fortement en l’éducation supérieure des femmes, elle devient, en 1911, la première bachelière es arts d’une université canadienne-française, l’Université Laval à Montréal. Elle poursuit ensuite des études en service social à l’Université Columbia, à New York, et crée, en 1931, la première École d’action sociale au Québec. De 1937 à 1939, prenant son école comme fondement, elle participe à la création de l’École de service social de l’Université de Montréal, dont elle dispensera les premiers cours.
Dès 1909, elle avait créé des cercles d’études sociales féminins. Lieux de réalisation de soi, de prise de conscience sociale et de culture, ils s’étaient considérablement répandus dans la province, jusqu’à compter 486 cercles. Elle avait également été directrice et secrétaire de rédaction de La Bonne Parole, revue éditée mensuellement par la Fédération Nationale Saint-Jean-Baptiste de sa mère, qui véhiculait les idées du féminisme social catholique au Québec. Elle avait mis sur pied le Département de service social de l’hôpital Sainte-Justine pour enfants, cofondée par une de ses tantes. C’est le 26 avril 1923 qu’elle fondera l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil, à Montréal, communauté qui accueillera jusqu’à 250 religieuses. Elle prononcera des vœux religieux quelques années plus tard. Très tôt en effet, elle avait expliqué à sa mère son désir de demeurer célibataire, car elle croyait fermement que les religieuses, dispensées de toute responsabilité familiale, pouvaient aider davantage les laïcs dans leur milieu.
Marie Gérin-Lajoie fait partie des pionnières québécoises qui ont bâti le XXe siècle en luttant contre l’indigence et l’injustice de la condition féminine.
[i] Entre autres, Marie Gérin-Lajoie. Un leadership transformationnel au féminin. Nathasha Pemba. Éditions Terre d’Accueil. 2023. 140 p.

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