Je suis maintenant abonné au service de vélo-partage à assistance électrique àVélo depuis un mois. J’en suis devenu un adepte, mais un constat saute malheureusement aux yeux…
Par Alexandre Morin
À la base, je comptais écrire une chronique sur mon expérience avec àVélo et expliquer pourquoi je suis tombé sous le charme de ce service. Résident de la banlieue et automobiliste assumé, je n’avais peut-être pas le profil type de celui qui se lève le matin en ayant hâte à sa « ride » de vélo pour se rendre au travail.
Bref, inutile de m’étendre sur les nombreux avantages de la mobilité active et ma lente ascension vers une dépendance au vélo électrique — ma chronique aurait littéralement été un copier-coller de celle de la chroniqueuse du Soleil, Valérie Gaudreault, qui a récemment partagé une expérience similaire.
Je prendrai donc un autre angle. Un constat un peu plus négatif, mais qui m’a frappé de plein fouet dans le dernier mois. Le seul véritable désagrément à rouler en àVélo… c’est que les gens m’envoient chier !
Oui oui, vous avez bien lu.
Pas tout le monde, bien sûr. Mais assez pour que ça devienne impossible à ignorer. Des gens prennent littéralement le temps de baisser leur fenêtre pour me crier une série d’âneries — parfois agrémentées d’un concert de klaxons et de gestes d’impatience.
Il y a deux jours, alors que je me rendais au FEQ en àVélo, j’attendais calmement à une lumière rouge. Une dame âgée s’est arrêtée à côté de moi, a baissé sa fenêtre… et s’est mise à hurler que je devrais rouler sur le trottoir — lequel débordait évidemment de piétons. Je n’ai même pas eu le temps de réagir : la lumière est passée au vert, elle m’a coupé à un pied du bout de ma roue, tout en continuant à gueuler avec une intensité franchement troublante, ponctuée d’un vacarme de klaxons.
À la vitesse à laquelle sa mâchoire allait, la tête agitée dans tous les sens pour mieux me lancer ses injures, j’ai sérieusement eu peur qu’elle en perde son dentier !
Le lendemain, en revenant, un gars m’a juste lancé : « Ah bin, un esti de àVélo, colisss… »
Mettons que je sois franc : je me suis peut-être déjà dit ça dans ma tête une fois ou deux, en circulant en voiture dans la ville. Mais d’où vient ce manque de savoir-vivre, cette hargne, ce besoin d’avoir à le dire en vrai à quelqu’un ?
Il y a deux semaines, un monsieur a aussi pris le temps — en me coupant de très près — de baisser sa fenêtre pendant que je traversais à une lumière verte, pour me crier de la marde, le visage tout rouge et la jugulaire gonflée à bloc. Encore un exemple d’une haine bien visible envers les cyclistes.
Mais qu’est-ce qui se passe ?
Pourquoi les gens ressentent-ils ce besoin viscéral d’envoyer promener quelqu’un qu’ils ne connaissent même pas, simplement parce qu’il ne partage pas le même mode de transport qu’eux ?
J’y vois une polarisation malsaine du débat sur le transport et la mobilité dans la région de Québec. Il y a sûrement d’autres raisons pour expliquer que des gens en viennent à ressentir le besoin — et à trouver l’énergie — d’envoyer promener de purs inconnus comme ça.
Et aux anti-char qui se réjouiraient à la lecture de ce texte : un instant ! Vous n’êtes pas mieux, et vous faites tout autant partie du problème.
Ceux qui, en consultation publique, montent au micro pour dénoncer les « gros chars » et les « méchants riches » participent eux aussi à une polarisation malsaine et à un déclin du civisme dans la ville de Québec.
Je vous ai vu, vous aussi, dernièrement. En empruntant le VUS d’une de mes proches, j’ai senti vos réactions, les couteaux dans vos yeux en me voyant circuler en basse-ville — une haine, vous aussi, simplement parce que j’étais en voiture.
Et ceux qui nous font de grands signes, les bras dans les airs en gueulant eux aussi, parce qu’on n’a pas respecté une traverse piétonne qu’ils se sont inventée dans leur tête…
Inspirez… expirez.
Bref, un constat est clair : la polarisation est à son comble à Québec concernant les enjeux de transport et de mobilité. Et elle dépasse la sphère politique pour s’installer dans nos rues, nous diviser et alimenter une tension constante.
En tant qu’automobiliste, cycliste et piéton, je me sens bien placé pour le ressentir.
Mais Québec est plus forte que ça.
Québec — et surtout les citoyens qui la composent — sont plus forts que ça.
La prochaine élection municipale approche à grands pas, et la joute politique s’intensifiera. Mais on ne peut pas laisser la politique nous diviser et nous monter les uns contre les autres. Le respect doit triompher. C’est en restant unis, même dans le débat, que la ville deviendra meilleure.
Pour que le civisme reprenne sa place.
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