Une campagne à l’eau tiède

Lorsque la campagne électorale a commencé en septembre, le dernier coup de sonde datait du mois de juin et tout le monde se trouvait dans une relative incertitude quant au positionnement des différents partis sur la ligne de départ.

Par Gabriel Côté

On baignait alors, plus peut-être qu’à l’habitude, dans un océan de perceptions et de sentiments, et l’on voyait les chefs naviguer du mieux qu’ils le pouvaient sur des eaux incertaines. Bruno Marchand disait que le vent tournait et que celui-ci soufflait dans ses voiles ; du côté de Marie-Josée Savard, on soutenait que la mer était calme et qu’il n’y avait rien à signaler ; Jean-François Gosselin jurait qu’il décelait chez les gens de l’enthousiasme envers son projet de métro, et que cette élection serait un « vote historique » ; enfin, Jean Rousseau clamait qu’il était sous-estimé et qu’il allait causer la surprise.

Tout le monde, alors, avait un avis sur qui disait vrai, car tout le monde avait sa propre perception des courants de profondeur et de surface que tous les partis tentaient, à leur façon, de négocier.

Mais à mesure que la campagne avance, chacun est en train de réaliser que, finalement, cette élection municipale est à peu près pareille à toutes les autres : le mouvement de la marée n’était qu’un trompe l’œil, et l’eau qui paraissait bouillonnante s’est avérée bien tiède.

En se tenant à une certaine distance, on serait peut-être en mesure de constater que les navires ne bougent pas. Sur certains, les matelots se reposent et profitent du soleil ; sur d’autres, l’équipage entier s’époumonne à souffler sur des voiles, inutilement.

Ceci parait sans doute à certains un bien triste constat, mais la réalité est que ce n’est pas triste du tout, ou du moins pas complètement.

Bien entendu, il est quelque peu dommage de constater que les citoyens se sentent si peu concernés par la politique municipale. Allez trainer dans les rayons d’une épicerie, et adressez-vous au premier venu. Demandez-lui s’il connait l’identité de ceux qui aspirent à la mairie. Si vous ne tombez pas sur l’un des rares militants – il y en a, même au municipal – vous remarquerez que malgré les jolies pancartes (toutes à peu près de la même couleur, c’est remarquable), les candidats demeurent pour la moitié de la population de parfaits étrangers.

Mais n’ont-ils pas mieux à faire que de se préoccuper d’une tempête dans un verre d’eau ? Leur indifférence n’est-elle pas l’indice que cette élection ne diffère en rien des précédentes, c’est-à-dire qu’elle se gagnera au centre ? Ne devrait-on pas se réjouir du fait que les candidats qui « marquent le plus de points » (si l’on admet, en étant généreux, que « des points se marquent ») le font en faisant preuve de nuance et de réserve ? Et aussi de voir que ceux qui se refusent à le faire sont déjà hors-jeu ?

Certes, les candidats à la mairie se lancent par instants dans de jolies envolées lyriques, et ils essaient de jouer le jeu de la surenchère auquel les journalistes voudraient bien qu’ils jouent un peu plus, un peu mieux. Mais ce n’est toujours que l’occasion de déclarations fourre-tout sur des sujets de second ordre, purement rhétorique, comme « l’écoute des citoyens » ou encore « la maîtrise des enjeux ». Une telle ne consulte pas assez, tel autre ne connait pas ses dossiers, on connait la chanson et personne ne change d’avis.

Malgré tout, je persiste à penser que les jeux ne sont pas encore faits dans cette campagne. Seulement, j’ai un peu l’impression qu’à peu près tout le monde est en train de réaliser que la clé du scrutin n’est pas celle qui était envisagée au jour du déclenchement des élections. Dans les rangs de presque tous les partis, l’incertitude règne toujours, mais cette incertitude a changé de visage. Et n’oublions pas que même sur une embarcation immobile qui vogue au-dessus d’une eau stagnante et tiède, il arrive des accidents par les jours de brouillard.   

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