Présentés dans les voûtes de la Maison Chevalier du 15 au 31 décembre, les Contes à passer le temps célèbrent leur 15e édition. Dans ce lieu au charme unique, six histoires se succèdent dans une atmosphère intime, entre humour, merveilleux et observations très contemporaines sur la vie à Québec. Une tradition bien ancrée qui, chaque année, continue de séduire un public fidèle.
Dans le décor hivernal du Petit-Champlain, les spectateurs arrivent emmitouflés, comme guidés par un réflexe acquis au fil des ans. On ne vient pas seulement assister à un spectacle : on revient à un rendez-vous annuel. Les Contes ont progressivement pris la place d’un rituel culturel, devenu presque indissociable du mois de décembre à Québec.
Dès les premières minutes, le metteur en scène Maxime Robin installe la tonalité de cette édition anniversaire. En évoquant l’horloge emblématique de la salle, il rappelle que les Contes évoluent à un rythme qui n’est pas celui du quotidien pressé. Ici, le temps s’étire, se suspend et s’habite, au gré des récits et des voix.
Des contes ancrés dans le réel
Les histoires présentées cette année puisent autant dans le merveilleux que dans le quotidien québécois. La diversité des tons et des sujets témoigne de la capacité des Contes à se réinventer, tout en restant proches de l’expérience des spectateurs. L’un des moments marquants revisite librement La Reine des neiges, en traitant du deuil avec délicatesse. Le froid y devient un passage plutôt qu’une menace. Le résultat est émouvant sans verser dans la lourdeur. À l’opposé du registre, un conte hilarant met en scène une bénévole de Nez Rouge qui, après une longue série de déconvenues amoureuses sur les applications de rencontre, finit par embarquer un certain Nico dans sa déneigeuse le soir du 25 décembre. Une comédie efficace, ancrée dans une réalité que plusieurs reconnaîtront.
Le Château Frontenac devient quant à lui le décor d’une histoire de fantômes inspirée du Christmas Carol de Dickens. William Cornelius van Horne y est transformé en figure grinçante rappelant Scrooge, contraint de croiser des fantômes historiques tels que Marie de l’Incarnation et Jeanne Mance. Le conte prend des airs de visite guidée déjantée, réussissant à mêler humour, patrimoine et fantaisie.
Autre registre, autre émotion : un récit touchant aborde la proche-aidance à travers l’histoire de deux personnes âgées qui tentent de préserver ce qu’il leur reste de bonheur. L’écriture, sensible et pudique, a tiré des larmes à plusieurs spectateurs. Enfin, une satire sociale met en scène une « Marie-Antoinette de la rénoviction » bien décidée à acheter des « blocs-de-pauvres-lettes » dans Saint-Sauveur. La Ville et un projet de coopérative viendront contrecarrer ses ambitions… ou pas. Un conte drôle et mordant, qui illustre avec intelligence les tensions actuelles en matière de logement.
Qu’il soit question d’amours numériques, de charge mentale, de gentrification ou de mémoire historique, les contes de cette édition trouvent un écho direct dans la vie quotidienne des habitants de Québec. Leur force réside précisément dans cet ancrage, qui permet à chacun de s’y reconnaître sans mode d’emploi.
Une forme simple, portée par des interprètes solides
La structure demeure fidèle à ce qui fait le charme de l’événement : six contes, six interprètes, un rapport direct au public. Une formule minimaliste qui pourrait sembler anodine, mais qui nécessite une grande maîtrise du jeu et du rythme. Cette année encore, la distribution impressionne par sa cohésion et la qualité de ses performances.
Maxime Robin livre un récit d’ouverture d’une grande douceur. Sophie Thibault, fine et précise, propose une interprétation tout en nuances. Jacques Leblanc apporte son humour singulier, à la fois tendre et décalé. Ariel Charest déploie une énergie contagieuse, tandis que Myriam Lenfesty touche juste par sa sincérité et sa présence lumineuse. Leur complémentarité donne à l’ensemble une fluidité remarquable.
Une tradition qui perdure
Malgré leur apparente simplicité, les Contes à passer le temps reposent sur un équilibre délicat. Chaque soirée semble fragile, presque éphémère, mais c’est sans doute ce qui contribue à leur succès durable. Les billets partent en quelques heures, et le public revient, année après année, chercher ce mélange unique de chaleur humaine, d’humour et d’ancrage dans la réalité locale.
Pour cette 15e édition, La Vierge folle confirme une fois de plus la pertinence et la vitalité d’un événement qui réussit à transformer le froid de décembre en un moment collectif chaleureux. Une tradition qui, visiblement, n’a pas fini de tenir Québec au chaud.


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