Le Trident ouvre sa saison avec un incident bouleversant

Le bizarre incident du chien pendant la nuit au Trident.Le bizarre incident du chien pendant la nuit au Trident. Crédits photo: Stéphane Bourgeois

Acclamée partout dans le monde depuis sa création, la pièce Le bizarre incident du chien pendant la nuit arrive enfin au Trident. Dans une mise en scène sensible et inventive de Marie-Josée Bastien, le public de Québec découvre l’univers singulier de Christopher Boone, adolescent neuroatypique qui enquête sur la mort du chien de sa voisine.

Une enquête pas comme les autres

Qui a tué Wellington, le chien de Mme Shears ? Christopher Boone, « quinze ans, trois mois et deux jours », décide de résoudre le mystère. Amateur de listes, de plans, d’astronomie et de nombres premiers, il ne comprend ni les métaphores ni les mensonges, qu’il considère comme une atteinte au réel. Mais son enquête se heurte à l’interdiction paternelle et son entêtement déclenche une cascade de révélations qui bouleverseront sa famille. Et ce qui semble une simple intrigue policière se transforme en une quête de vérité sur le chien et sur les liens familiaux, propulsant Christopher au milieu des promesses trahies et du chaos des émotions humaines.

Christopher refuse de mentir, alors que les adultes qui l’entourent multiplient les promesses – « je te promets » revient comme un leitmotiv – plus pour se rassurer qu’en gage de sincérité. Dans ce monde où les mensonges fissurent les relations, la quête de vérité de Christopher devient profondément touchante.

Une mise en scène chorale et sensorielle

La force du spectacle repose sur l’esthétique chorale chère à Marie-Josée Bastien. La troupe, toujours présente sur scène, prend tour à tour la parole pour incarner les voix multiples qui entourent Christopher. Lorsqu’ils énumèrent le contenu de son sac ou qu’ils figurent la foule oppressante du métro londonien, les comédiens traduisent la perception fragmentée du héros.

La scénographie mobile et les éclairages traduisent son univers géométrique : les lieux se décomposent et se recomposent en formes rationnelles, comme si tout devait obéir à une Loi immuable. Mais quand la réalité échappe à cet ordre, les digues cèdent et surgissent les débordements émotionnels que Christopher ne sait pas gérer. Tout est pensé pour que le spectateur ressente sans être submergé : une immersion mesurée, d’une grande limpidité.

Marianne Marceau impressionne

Au centre, Marianne Marceau incarne Christopher avec une justesse remarquable. Presque toujours en scène, elle porte la pièce sur ses épaules. Sa performance s’appuie autant sur la physicalité que sur la parole : tics corporels, réactions faciales limpides, humour désarmant d’un adolescent sans filtre. Elle transmet la tendresse, la fragilité et la violence du personnage, sans jamais tomber dans la caricature.

Autour d’elle, la distribution brille par sa cohésion. Les comédiens surgissent pour incarner une galerie de personnages secondaires, toujours avec précision et vivacité, formant une chorale dramatique vibrante.

Un spectacle fluide et captivant

Malgré ses deux heures quarante-cinq minutes (avec entracte), le spectacle ne souffre d’aucune longueur. Les transitions sont fluides, les retours en arrière s’intègrent avec naturel et la scénographie modulaire maintient le rythme.

On sort du Trident avec une réflexion sur la vérité, les mensonges qui cimentent nos vies et la difficulté d’aimer sans trahir. Mais surtout, on garde en mémoire le regard de Christopher Boone : un monde en nombres premiers, où chaque détail compte et où l’on voit ce que les autres balaient du regard.

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