(Sainte-Foy) Une scientifique de Sainte-Foy est à la tête d’un projet de recherche de lutte biologique contre l’agrile du frêne.
Xavier Renald
Véronique Martel est chercheuse spécialisée en entomologie à Ressources naturelles Canada. Elle est également responsable du projet de recherche qui fait partie du Plan d’action 2023-2027 de la Ville de Québec pour atténuer les effets de l’épidémie d’agrile du frêne.
Une éradication impossible
La découverte de l’agrile du frêne dans les parcs de la Ville de Québec remonte à 2017. Depuis, la propagation de l’espèce s’est accélérée et aujourd’hui, l’agrile du frêne est présent sur l’ensemble du territoire de la ville de Québec. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), qui est l’autorité responsable de prévenir la propagation de l’insecte, juge même son éradication impossible.

Le problème avec l’agrile du frêne est que ses larves consomment le bois sous l’écorce du frêne et par conséquent, diminuent la circulation de la sève dans l’arbre, ce qui le rend malade et cause tranquillement sa mort. « Comme ça se passe sous l’écorce, on ne le voit pas et quand on le remarque, il est trop tard pour agir », explique Véronique Martel, qui rappelle que la coupe des arbres infestés est nécessaire et souhaitable pour limiter la propagation des agriles.
« En Asie, l’agrile du frêne attaque les arbres déjà stressés. Il ne peut pas attaquer un arbre sain car celui-ci a des défenses trop rigoureuses. En arrivant ici, vu que nos frênes n’ont pas co-évolué avec l’insecte, ils ne possèdent pas les défenses nécessaires et l’agrile peut donc s’attaquer aux frênes qui sont parfaitement sains. »
Véronique Martel
L’éradication n’étant plus une option, la Ville de Québec a donc mis en place un Plan d’action 2023-2027 afin d’atténuer les impacts liés à l’épidémie d’agrile du frêne. En complément de l’abattage des arbres infectés et de l’injection d’insecticide dans d’autres, la Ville de Québec a conclu un partenariat de recherche porteur d’espoir avec l’équipe de Mme Martel.
Une technique déjà testée ailleurs
L’équipe de Mme Martel a donc lâché des guêpes entre 2019 et 2022, sur les Plaines d’Abraham ainsi qu’au Bois-de-Coulonge. Les guêpes, de l’espèce Tetrastichus planipennisi, détruisent les larves des agriles du frêne en pondant leurs œufs à l’intérieur de ces dernières. « C’est un processus qui a été extrêmement testé, ça a été fait autant aux États-Unis qu’au Canada », indique la chercheuse, qui détient un doctorat en entomologie de l’Université McGill.

La technique utilisée pour la dispersion des guêpes consiste à suspendre des bûchettes de frênes aux branches de différents arbres. Ces bûchettes sont infestées de larves d’agriles qui contiennent des œufs de guêpes parasitoïdes. Une fois adultes, les guêpes quittent les bûchettes afin de trouver un nouveau frêne pour y pondre leurs œufs.

Inoffensives pour les humains et les animaux, les guêpes ne s’attaquent qu’aux larves de l’agrile du frêne, ce qui n’en fait pas une menace pour la biodiversité, assure Véronique Martel. Par ailleurs, les guêpes relâchées à Québec sont élevées en Ontario, là où l’agrile a été observée pour la première fois au pays.
Dernièrement, l’équipe de chercheurs a réussi à confirmer que les guêpes sont bien établies à Québec. La prochaine étape de l’étude sera d’observer la dispersion des guêpes à travers la ville. Normalement, l’espèce utilisée à Québec se disperse au rythme de 14 à 27 km par an.
Un optimisme modéré
Malgré ce projet de recherche qui permet d’espérer un meilleur contrôle de l’épidémie, Véronique Martel demeure nuancée quant au potentiel de cette action. Elle croit tout de même que certains frênes vont réussir à survivre, surtout les plus petits puisque les guêpes agissent plus facilement sur ceux-ci. Toutefois, elle pense que les villes ne planteront plus de frênes, alors qu’il s’agissait d’une essence d’arbre très résistante en milieu urbain.
« Pendant un moment, on a eu peur que le frêne disparaisse carrément. Aujourd’hui, on a espoir qu’il va se maintenir. »
Véronique Martel
Elle estime que la stratégie de la ville de diversifier la plantation est la meilleure solution pour assurer le maintien de la canopée. « On avait des rues entières où ce n’était que des frênes qui étaient plantés, on n’est jamais à l’abri d’un nouvel insecte, d’une nouvelle maladie qui arrive. Planter diversifié, c’est la clé ». conclut-elle.
Rappelons que la Ville de Québec avait annoncé en décembre dernier, la coupe de 4 315 frênes d’ici juin 2025. «Il y aura de moins en moins de frênes à Québec au cours des prochaines années », avait alors déclaré Marie-Josée Asselin, vice-présidente du comité exécutif de la Ville de Québec. Les coupes se poursuivront jusqu’en 2027, tant en boisé qu’en ville.
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