Un homme d’État, un vrai

david lemelinDavid Lemelin (Photo : Courtoisie)
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Bon. Je n’écris peut-être ce texte que pour Pierre Boucher et moi. Que ça retentisse peu n’a aucune importance. Ce que je dis, je le pense. Au plus profond de mon être.

Une chronique de David Lemelin en hommage à Pierre Boucher

J’ai connu Pierre Boucher. Je peux m’en vanter. Comme certains peuvent dire qu’ils ont travaillé avec René Lévesque, qu’ils ont été amis de Guy Lafleur ou de Picasso. Moi, j’ai connu cet homme et ça a changé ma vie.

Pourtant, il est passé comme un éclair. Un an, à peu près, où nous nous sommes alliés pour nous lancer dans le monde politique municipal. Avec lui, j’ai mené ce combat. Je l’ai perdu, mais ça ne change rien à l’admiration et, surtout, au respect et à la reconnaissance que j’ai pour lui.

J’étudie et me passionne pour le monde politique depuis presque toujours. Plusieurs politiciens m’ont marqué, un nombre plus important m’a déçu. Il en va de même pour les gestionnaires et les meneurs de l’ombre, notamment les « mandarins », comme on les appelle.

Pierre Boucher est dans une classe à part. Ce n’est pas de la flagornerie ni pour être sympa avec lui. C’est un fait. Ceux qui l’ont connu de près diront tous la même chose. Pierre, c’était une stature de géant : une culture générale époustouflante, une érudition indéniable, une vaste expérience de l’État et de l’administration publique, une sagesse apaisante et, surtout, un sens de l’État exceptionnel.

Il aimait le Québec, profondément, les Québécois immensément et notre culture, à la folie. Il voulait que ses compatriotes se dotent d’un État sérieux, solide, qui voit grand et qui gère les finances avec rigueur et respect. Chez lui, le sens de l’État, c’était la capacité de voir ce qui échappait aux autres et qui devait être dans l’intérêt supérieur des Québécois. Jamais pour lui, jamais par petitesse, par vengeance ou par calcul. Ce qu’il voulait bâtir, faire, réaliser, accomplir, c’était pour le bien des Québécois.

C’était un homme d’État, un vrai.

C’est étourdissant de faire la liste de ce qu’on lui doit, à Québec : la transformation de la colline parlementaire, la promenade Samuel-de-Champlain, le Jardin de Saint-Roch (devenu le jardin Jean-Paul-L’Allier)… la liste est longue et, surtout, permanente. Le visage de Québec n’est plus le même – et heureusement! – beaucoup, beaucoup grâce à lui, à sa vision, à sa rigueur et sa persévérance.

C’était un proche de Jean-Paul L’Allier, qu’il a conseillé, il a été sous-ministre, premier PDG de la Commission de la Capitale-Nationale du Québec… c’est vers lui que Jacques Parizeau s’est tourné lorsqu’ils ont décidé, L’Allier et lui, que le Québec méritait une capitale dont on prend soin.

Et moi dans tout ça? J’ai écrit un livre, en 2011, pour déplorer les atteintes de Labeaume à la démocratie. J’ai parlé de grandeur et de sens de l’État. Pierre Boucher l’a lu… il m’a appelé.

Il voulait que je sois candidat comme conseiller municipal dans le futur parti qu’il allait fonder à partir du mouvement citoyen qu’il avait créé avec des alliés, Québec autrement. Oui, autrement que Labeaume, autrement que la petitesse, la mesquinerie, les insultes et la hargne.

Voir grand, penser grand, aimer grand. C’était ça, son projet.

À force de se parler, il m’a proposé la chefferie. On s’est plu, tout de suite. Intellectuellement et politiquement, j’avais trouvé le meilleur mentor qu’on puisse imaginer.

Nous avons créé Démocratie Québec, le parti fusionnant les 4 formations municipales qui comptaient s’opposer à Labeaume. Nous avons conservé le nom d’une de celles-ci, car on le trouvait encore plus parlant que « Québec autrement », qui semblait se limiter à ne pas être ce que Labeaume incarne.

Or, c’était la démocratie, son truc. C’était de donner aux Québécois ce qu’ils souhaitent et ce qu’ils méritaient. Avec lui, les projets avançaient. Les documents étaient prêts à temps, complets, rigoureusement étudiés et rédigés, dans un français impeccable. La démarche était réfléchie, pertinente, intelligente. Il savait nous convaincre que son plan était le bon.

J’ai passé de nombreuses soirées, dîners, déjeuners, réunions politiques avec lui. Chaque fois, je l’ai écouté avec passion, avec attention. Mais, ce qu’on ne dit pas, c’est que j’ai beaucoup ri avec lui. Il avait un sens de l’humour percutant. Son rire me manquera énormément.

Oui, j’ai connu Pierre Boucher. J’ai partagé quelques mois de la vie de ce grand homme à l’intelligence incomparable, à la grandeur d’âme inimaginable.

Il m’a enseigné des choses que je garderai jusqu’à la fin de ma vie. J’ose croire qu’il a semé chez moi le goût de suivre ses pas lorsqu’il s’agit du sens de l’État.

Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’est précieux pour moi.

Salut, Pierre. Je t’admire. Tu es près de moi, même si t’es parti.

Toi, fier indépendantiste, ta flamme nous illuminera toujours. Tu es Pierre, et sur cette pierre, nous bâtirons un pays. Voilà ce à quoi je crois.

Je devrais te pleurer, mais j’ai le cœur joyeux. Car, ce que tu nous laisses n’a pas de prix. Et j’ai le bonheur de t’avoir connu. Ce sourire, sur cette photo, cette assurance, ces yeux pétillants d’intelligence, c’est tout toi, ça.

Salut, cher Pierre. Et surtout : merci, du fond du cœur.

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