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Claude Villeneuve

Le Rempart : l’itinérance au féminin

Le RempartL’organisme Le Rempart est actuellement situé au 6e étage de la Maison Mère-Mallet, au 945, rue des Sœurs-de-la-Charité.

Situé à deux pas du carré D’Youville, Le Rempart offre un hébergement aux femmes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir, tout en s’efforçant de briser les préjugés qui y sont associés.

Par Alexandre Morin 

L’organisme Le Rempart – Centre d’hébergement et d’accueil a vu le jour à la suite de la fermeture des centres d’hébergement de l’Armée du Salut en 2020. Le volet d’hébergement pour femmes a été repris en août de la même année.

Quelle est la mission de l’organisme ?

Le centre comprend 25 chambres individuelles et 5 chambres destinées à des femmes autonomes prêtes à accéder éventuellement à un logement.

« C’est un service d’hébergement à la base avec accompagnement, donc tout le soutien psychosocial qu’on offre », explique la coordonnatrice de l’organisme, Nancy Ratté, soulignant la présence de plusieurs intervenantes attitrées et la tenue d’ateliers sur la gestion du budget, de la colère, du stress ou des émotions, par exemple.

Le Rempart ne propose donc pas seulement un hébergement d’urgence, mais surtout un véritable service de réinsertion pour les femmes en situation d’itinérance, avec l’ensemble des leviers nécessaires – au-delà d’un simple toit – pour qu’elles puissent se reconstruire.

« La femme vient se déposer ici, elle vient retrouver sa dignité, elle vient retrouver ce qu’elle veut faire dans la vie, il y en a qui retournent aux études, d’autres qui retournent au travail », illustre la coordonnatrice. « On a un volet réinsertion sociale, notre but, c’est vraiment de réintégrer. »

Nancy Ratté est coordonnatrice de l’organisme Le Rempart.

Un service d’intervention psychosociale est offert 24 heures sur 24, sept jours sur sept. L’organisme propose également un accompagnement post-hébergement pour aider les femmes à trouver un logement, à déménager et à se procurer le matériel nécessaire pour s’installer. À cela s’ajoutent diverses activités récréatives, socioculturelles, physiques et artistiques pour favoriser le développement personnel et briser l’isolement.

Malgré que quelques chambres soient offertes gratuitement en dépannage, le coût mensuel varie entre 425$ à 475 $, incluant les repas, la buanderie et les services d’intervention, les subventions n’étant pas suffisantes pour offrir la gratuité à toutes.

Le centre d’hébergement comprend plusieurs cuisines communes, dont celle-ci, destinée aux femmes autonomes prêtes à accéder éventuellement à un logement.
Des ordinateurs sont mis à la disposition des femmes, notamment pour les aider à mettre à jour leurs documents, chercher un logement, un emploi, et bien plus encore.
L’organisme offre plusieurs types de chambres. Celle-ci est de grandeur moyenne (Crédit: site web Le Rempart)

Pourquoi un centre exclusivement pour femmes?

La question de la sécurité justifie la nécessité d’un hébergement réservé uniquement aux femmes, avec une équipe composée exclusivement d’intervenantes.

Plusieurs femmes qui font appel aux services du Rempart ont vécu de la violence ou des abus dans leur vie. Elles se sentent donc en sécurité dans un espace réservé aux femmes.

« Dans la rue, ce n’est pas sécuritaire pour une femme à cause du harcèlement sexuel et des viols. Puis souvent, elles vont faire des compromis, même avec des propriétaires. On a entendu toutes sortes d’histoires : elles vont faire des échanges sexuels pour faire réduire le loyer ou pour X raison », explique Mme Ratté.

« C’est pour ça que nous, on veut apporter justement avec Le Rempart une sécurité et un bien-être quand elles vont arriver ici », ajoute-t-elle.

Pour certaines, le visage d’un homme est associé à l’insécurité et à des traumatismes en raison des abus et des violences — notamment sexuels — qu’elles ont subis, d’où l’importance de leur offrir un lieu rassurant.

Comment expliquer la hausse du phénomène de l’itinérance à Québec ?

Pour Nancy Ratté, qui œuvre depuis plusieurs années au sein d’organismes venant en aide aux personnes en situation d’itinérance à Québec, la montée du phénomène s’explique entre autres par la hausse du coût de la vie, les effets de la pandémie — qui a créé de l’isolement — ainsi que par la consommation de drogues, aujourd’hui plus puissantes et dangereuses, ce qui aggrave les problèmes de santé mentale et de dépendance.

« On voit plus de psychoses toxiques reliées à la consommation. Il y en a qui prenaient certaines substances et n’avaient pas vraiment d’effets, mais aujourd’hui on les voit virer en psychoses plus rapidement », explique-t-elle, pointant notamment des substances plus fortes et plus dangereuses comme le fentanyl.

Le manque de logements à Québec est aussi une cause énorme du phénomène de l’itinérance chez les femmes, selon elle.

Malgré la hausse du phénomène, Mme Ratté rappelle des cas où des femmes ayant séjourné au Rempart se sont relevées et ont réintégré la société, affirmant « que ça arrive plus souvent qu’on le pense », notamment grâce aux services post-hébergement offerts pour soutenir la réinsertion.

Maladie physique ou mentale, incendie, accident, divorce, perte d’emploi, fraude — Mme Ratté rappelle que « personne n’est à l’abri » de se retrouver en situation d’instabilité résidentielle et qu’un seul événement peut tout faire basculer.

Quels sont les mythes à déboulonner concernant les femmes en situation d’itinérance ?

La coordonnatrice du Rempart ainsi qu’Alexane Bernier, adjointe administrative de l’organisme et ancienne intervenante, affirment que plusieurs mythes entourant l’itinérance féminine doivent être déconstruits.

Le plus répandu, selon elles, est de croire qu’il n’y a tout simplement pas d’itinérance féminine.

« Les gens, ils pensent qu’il n’y en a pas d’itinérance féminine parce qu’on ne le voit pas, mais on ne le voit pas parce que les femmes vont trouver des moyens justement de ne pas être dans la rue. Donc soit de dormir chez des amis ou de trouver des partenaires d’un soir quand elles sortent dans les bars pour juste pas dormir dans la rue », explique Mme Bernier.

« Des fois, pour elles, c’est moins insécurisant de trouver une personne dans un bar, même si c’est un brasser le dé, que de risquer de se faire agresser dans la rue », précise-t-elle, en nommant d’autres moyens qu’utilisent les femmes en situation d’itinérance pour éviter de dormir dehors.

« 80 % des femmes itinérantes ont subi de la violence, que ce soit physique, sexuelle ou financière. On va se le dire : une fille dans la rue toute seule la nuit, c’est plus vulnérable qu’un homme tout seul la nuit. C’est plate à dire, mais elles vont être victimes de viol, elles vont être victimes de kidnapping, de harcèlement, de tout type de violence. C’est ce qui fait qu’on ne les voit pas, les femmes, dans la rue, parce que tant qu’à vivre cette violence-là, bien elles vont essayer de se trouver des endroits plus clos pour dormir », ajoute-t-elle.

« On vit ça à Québec, on vit ça énormément à Québec. »

Elle souhaite également déconstruire d’autres idées fausses, comme celle selon laquelle toutes les femmes en situation d’itinérance consomment des drogues ou refusent simplement de travailler.

« C’est des situations qui font en sorte qu’elles en viennent à la rue », affirme-t-elle, citant la violence faite aux femmes comme un facteur aggravant du phénomène.

Plusieurs facteurs peuvent mener une femme à l’itinérance, allant du manque de soutien pour intégrer le marché du travail jusqu’à des situations plus graves de violence ou de traumatismes. Certaines ont vécu de l’isolement imposé par un conjoint dans une vie antérieure, ce qui les a coupées de la société et brisé leur confiance. Ce que Le Rempart cherche à faire, c’est justement de leur redonner cette confiance, ainsi que les outils nécessaires pour reprendre pied et réussir.

Pour mieux répondre aux besoins croissants et offrir un environnement encore plus sécurisant, Le Rempart s’apprête à déménager ses activités dans le quartier Maizerets. Actuellement situé au dernier étage de la Maison Mère-Mallet, l’organisme partage les lieux avec d’autres organismes, certains accueillant des hommes, ce qui peut créer un sentiment d’insécurité pour certaines résidentes.

Le futur bâtiment de quatre étages, entièrement dédié à l’organisme, offrira un espace exclusivement féminin. Situé à proximité du parc Maizerets, il permettra également un plus grand contact avec la nature et une capacité d’accueil accrue grâce à l’ajout de chambres. La construction débutera en août prochain et l’ouverture est prévue pour juin 2026.

Avec ce projet, Le Rempart souhaite continuer d’offrir un lieu de dignité, de sécurité et de reconstruction à celles qui en ont besoin, dans un espace mieux adapté à sa mission.

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