Le Carrefour lancera prochainement une bande dessinée hebdomadaire mettant en lumière le parcours d‘immigrant(e)s à Québec. Chaque semaine, l’illustratrice et journaliste Estelle Lévêque retracera l’histoire singulière d’un individu. Offrant au lecteur une immersion dans ses souvenirs du pays d’origine et les défis rencontrés lors de son installation dans la capitale nationale.
Par Juliet Nicolas
Origine du projet
Soutenu par une initiative du ministère des Communications visant à renforcer la présence numérique des petits médias, le projet de bande dessinée numérique donnera vie à une série illustrant des récits d’immigration à Québec.
À l’origine, Estelle Lévêque, illustratrice et journaliste, met à profit son double savoir-faire pour créer un format accessible et humain. « Je voulais qu’on puisse mettre un visage sur ces histoires. Montrer qui sont ces gens, pourquoi ils sont venus s’installer ici et ce qu’ils ont vécu », explique-t-elle.
Depuis plusieurs années, elle collabore avec divers acteurs culturels et commerçants locaux, des restaurants aux associations en passant par les microbrasseries. De plus, elle a également contribué au collectif La Flopée et développe son propre projet de bande dessinée, À Satiété.
En outre, ce projet est né d’une réflexion menée au sein du Carrefour, sous l’impulsion de son éditeur, Martin Claveau. Conscient du potentiel de l’illustration comme moyen de narration puissant, il a encouragé Estelle à explorer cette approche. « Ça représente une chance incroyable de pouvoir compter sur un talent comme celui d’Estelle pour créer un concept comme le nôtre. C’est vraiment une belle opportunité que nous offre le ministère de la culture et des communications de sortir de notre zone de confort », se réjouit il. À travers cette série, les témoignages prennent vie dans des lieux emblématiques de Québec, explorant l’immigration sous différents angles : les défis, les surprises à l’arrivée, et les liens entre passé et présent.
Un processus de création respectueux et collaboratif
Pour constituer son panel de témoignages, Estelle a lancé un vaste appel à participation en utilisant plusieurs canaux. Elle a diffusé des affiches dans des organismes, relayé son projet sur les réseaux sociaux et, surtout, activé le bouche-à-oreille. Ce dernier s’est révélé le plus efficace : grâce à son réseau, elle a pu entrer en contact avec des personnes issues de divers horizons. Au fil des rencontres, elle a recueilli les récits de personnes venues de France, du Mexique, de Cuba, de Colombie, du Burkina-Faso, d’Algérie et, prochainement, d’Australie, témoignant ainsi de la diversité des parcours et des expériences.
Les entrevues se déroulent en personne, souvent dans un café. « On parle pendant une heure, parfois deux. Je veux aller au-delà des faits : je m’intéresse à ce que les gens ont ressenti, à ce qui les a chamboulés. »
Après l’entrevue, Estelle élabore un découpage (storyboard), qu’elle soumet à la personne concernée pour validation. « C’est leur histoire. Je veux qu’ils soient à l’aise avec ce qui est raconté, qu’ils sentent qu’on ne leur a pas volé leur vécu. »
La BD comme passerelle entre les mondes
Les histoires prennent vie dans les différents quartiers de Québec tout en transportant le lecteur à travers les souvenirs du pays d’origine des protagonistes. Avec humour, chaque histoire dévoile un parcours unique, rythmé par découvertes, défis, incompréhensions et instants de joie. « Ce que je trouve fascinant, c’est que personne ne m’a raconté la même chose. Chacun a une réalité différente, une manière unique de vivre son arrivée ici », souligne Estelle.
En outre, le choix de la bande dessinée comme médium offre une narration fluide, visuelle et accessible. Grâce aux illustrations, le lecteur navigue sans effort entre les univers. Passant ainsi d’un lieu à l’autre, d’un souvenir à une réalité présente. L’image, en plus d’être un puissant vecteur d’émotion, capte immédiatement l’attention, sans nécessiter de longs préambules.
Une sensibilisation en douceur
Plutôt que d’imposer un message, ce projet vise à susciter la curiosité et l’écoute sans confrontation. Le Carrefour a souhaité mettre en avant ces récits pour offrir une perspective plus humaine sur l’immigration. De plus, en valorisant la diversité des parcours et la force du récit personnel, le projet vise à déconstruire les préjugés et à favoriser le dialogue.
« J’espère susciter de la curiosité chez les lecteurs. Le but n’est pas d’imposer une pensée, simplement de faire découvrir une réalité différente, et peut-être donner envie de s’ouvrir un peu plus aux autres », souligne Estelle.
Au fil des entrevues, un constat s’est imposé : si beaucoup de personnes immigrantes n’ont pas été confrontées à une discrimination ouverte, elles ont souvent fait face à des idées reçues ou à des maladresses involontaires. Des remarques ou des suppositions sur leur mode de vie, formulées sans malveillance mais révélatrices d’une certaine méconnaissance.
« Ce n’est pas un projet qui va changer le monde. Mais si ça peut amener quelqu’un à voir les choses autrement, même un instant, c’est déjà beaucoup. » ajoute Estelle.
Et après ?
Après cette première série de dix planches, Estelle envisage déjà d’autres thèmes, comme l’écologie. Toujours avec cette idée de raconter des histoires humaines, avec douceur et engagement.
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