Des bouteilles durables, mais des places publiques jetables

Place éphémère de la Pointe-aux-LièvresPhoto : Le Carrefour de Québec

La mode est aux places publiques éphémères. Elles sont partout, en haute-ville, en basse-ville et en banlieue. Elles se multiplient comme l’agrile du frêne. Même les étudiants déplacent leur SPOT (Sympathique Place Ouverte à tous) d’une année à l’autre.

À la base, il n’y a rien de mal à ça. Cette mode s’inscrit dans la tendance de la réappropriation de certains endroits par la population. Elle permet de faire des tests et de voir si ces endroits deviennent populaires. La municipalité s’en inspire ensuite pour développer ses propres projets. Cela est juste et bon.

Le problème de ce qui est à la mode par contre, c’est que souvent, ça coûte cher, pour être à la page. Il y a toujours de ces gens qui flairent la bonne affaire et en profitent pour vous vendre des T-shirts mauves, fabriqués au Bangladesh, avec des imprimés tendance, à un prix de cave.

Quand je vois que certaines places publiques éphémères coûtent jusqu’à 250 000$, je me dis que c’est cher en mautadit. Surtout, quand c’est pour des bancs en bois cheaps et quelques jeux insignifiants, dont ma fille de six ans se lasse en sept minutes et quart. À ma connaissance, un module de jeux pour enfants, qui est construit pour résister aux intempéries et à la marmaille, coûte genre 50 000$, mais une place tendance, qui dure à peine l’espace d’un été en coûte souvent cinq fois le prix. Est-ce que ça en vaut toujours la peine? Poser la question, c’est y répondre.

Je crois que, présentement, nous exagérons un peu notre penchant collectif pour les places publiques saisonnières. Celles-ci peuvent s’avérer de bons outils, mais on ne doit pas perdre de vue que ça coûte cher et qu’il y a probablement des gens qui s’en mettent plein les poches. Ce qui est amusant, c’est que plusieurs de ceux qui plaident pour plus de places publiques éphémères sont, dans les faits, les mêmes qui plaident pour un développement durable. Ironique, quand on considère qu’une place publique éphémère constitue, en ce sens, l’ultime accomplissement du consumérisme urbain. On l’installe, on s’en sert, on s’en lasse, puis on en dispose et l’on en consomme une autre. Le philosophe en moi note ici que ça en dit pas mal sur notre belle époque et ces contradictions. On voudrait que nos bouteilles d’eau soient durables et nos places publiques éphémères…

Les espaces publics sont essentiels à la vie citadine ou banlieusarde. Là où je m’oppose, c’est quand on multiplie ces quinconces estivaux à prix exorbitant sans se demander si ça vaut vraiment la peine.

À tout prendre par contre, j’admets qu’il aurait peut-être mieux valu tester la place Jean Béliveau avec une place publique éphémère, avant de flamber 11 millions pour la construire. Nous aurions peut-être découvert que personne n’y allait. Dommage qu’il n’existe pas non plus de tramway, de SRB ou de métros suspendus éphémères, nous aurions aussi pu les essayer, avant de se brancher trop vite et de casquer.

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