Impressions citadines par Catherine Dorion: Je suis triste et j’enrage

Homme sur un voilier

Il était plié sur le côté et grimaçait. Sa main osseuse s’accrochait à la clôture comme les serres d’un oiseau de proie. Il avait l’air saoul mais il était surtout vieux.

– Êtes-vous correct, monsieur?
– J’ai mal à la hanche.
– Vous allez où?
– J’essaye de retourner chez nous.
– C’est où chez vous?
– Là-bas.

Je constate qu’il n’est pas saoul, seulement souffrant et un peu sale, comme un vieux qui n’a plus la force ni l’argent pour faire en sorte que tout soit en ordre sur sa personne. Je pense à cette vieille expression : un pauvre vieux. Voilà bien un pauvre vieux.

– Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous?
– As-tu un char?
– Euh… Oui, mais il est stationné loin… Le temps de se rendre, ça va être aussi loin que votre maison.
– Ah, je vais t’attendre.

Et il s’assoit dans les marches de l’escalier. Bon, je n’ai pas vraiment le choix. Je vais chercher mon auto, je l’embarque. Je lui parle, mais écouter le fatigue : il est assez sourd. Je m’en tiens à l’essentiel.

– Pourquoi vous êtes sorti à pied avec un mal de hanche comme ça?
– C’est quand je marche longtemps que ça me pogne.

On roule. On roule encore. De son long bras, il me signifie qu’on en a encore pour un petit bout. Ça commence à faire loin. Il a marché tout ça, lui? À environ 75-80 ans, avec ce mal paralysant qui peut le pogner n’importe quand?

– Pourquoi vous prenez pas l’autobus, monsieur?

Un temps.

– L’autobus, ça coûte trois et vingt-cinq.

Et là, je saisis. Ils ne charrient pas, les gens du communautaire et tout ce monde-là. Ils n’en rajoutent pas. Ils disent vrai. Il y a des gens, autour de moi, dans mon quartier, dans ma face, pour qui 3,25$ représente un vrai gros montant. À qui on coupe des 10$ par-ci, des 100$ par-là, à qui on augmente les tarifs en se disant, voyons, 100$ c’est rien, qu’ils s’organisent. Pis un physio, c’est pas si cher que ça, si t’as vraiment mal, arrête de t’acheter de la bière pis économise.

Je saisis à ce moment-là que même l’empathie la plus sommaire a été broyée dans le camion de déchets de l’austérité – excusez-moi, de cette politique qui consiste à pichenotter des pauvres vieux dans la misère pour mieux nourrir les flasheux de yachts ainsi que leurs beaux enfants qui iront dans les plus prestigieuses universités du monde sans jamais apprendre nulle part la vraie valeur d’un billet de bus à 3,25$.

Je suis triste et j’enrage.

1 commentaire sur "Impressions citadines par Catherine Dorion: Je suis triste et j’enrage"

  1. C’est bien triste de voir cette appauvrissement quant tu en à le plus de besoin au Québec un transport est rendu trop dispendieux pour les plus pauvre et les plus malade. pourquoi pas le transport gratuit pour les plus démunis de notre société?

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