Impressions citadines par Catherine Dorion – Soins de santé : une bouteille qui va leur coûter cher

Impressions citadines par Catherine DorionCatherine Dorion

Mon grand-père de 93 ans n’achète plus rien mais il continue de s’abonner au Consumer Reports, genre de Protégez-vous américain. (Peut-être a-t-il gardé une certaine nostalgie de ses années de gloire de consommateur, dans les années 50?)

En feuilletant un numéro récent, je tombe sur un dossier fascinant : «It’s Time to Get Mad About the Outrageous Cost of Health Care» (Il est temps de s’offusquer des coûts scandaleux des soins de santé). Ah ben? Comment ça? Le privé (qui gère les soins de santé aux États-Unis) n’est-il pas supposé être l’efficacité incarnée, le lieu saint où ne se perd jamais une cenne et où tout service est instantanément offert à son plus bas prix possible?

Pas besoin de boule de cristal pour imaginer que notre système de santé public se fera maganer dans les prochaines années. On fusionnera, coupera, rendra le système encore plus frustrant. Et quand tout le monde s’arrachera les cheveux et les sourcils, on nous proposera de tout luisants services de santé privés, prêts-à-consommer. Et nous dirons : «Oh, merci.»

J’ai donc cru bon de vous donner quelques exemples de ce qui nous attend, directement tirés du très indépendant Consumer Reports. Aux États-Unis, le tiers des soins de santé facturés ne sont pas nécessaires. Parfois, on vous prescrit trois rendez-vous pour trois radiographies différentes alors qu’une seule aurait suffi, pour tripler le montant de la facture. D’autres fois, on vous prescrit des antibiotiques alors que vous êtes sur le point de guérir tout seul. D’autres fois encore, c’est une opération qu’on vous suggère fortement alors que vous auriez mieux fait sans – mais la pub qu’on vous a servie un peu partout sur cette nouvelle opération «révolutionnaire» est tellement glamour que, dans votre for intérieur, vous la souhaitez avant même qu’on ne vous la suggère. Les médicaments coûtent beaucoup plus cher qu’au Canada : les assureurs privés, divisés, n’ont aucun pouvoir de négociation face aux pharmaceutiques. Si une compagnie sort une nouvelle pilule contre l’hépatite C, elle aura le droit de la vendre à 1000$ la pilule et personne n’y pourra rien (cette pilule existe, et elle se vend à ce prix-là). Les petites cliniques privées fusionnent, deviennent des méga-cliniques et font des ententes avec les assureurs, qui n’assurent alors leurs clients que s’ils fréquentent la méga-clinique. Dans certaines régions, des quasi-monopoles sont ainsi établis, ce qui fait baisser l’efficacité et monter les prix. Imaginez une clinique privée qui s’occupe de vos problèmes de santé comme Bell Canada s’occupe de vos problèmes de connexion. Ça vous donnera une idée.

Je réentends ces chroniqueurs qui parlaient, sur les ondes de leur radio privée, du plaisir qu’ils avaient eu à se faire offrir une bouteille d’eau en entrant dans une super-propre-et-chic clinique privée, et du désir qu’ils avaient désormais de ne plus jamais retourner dans le système public après ça.

J’aurais aimé leur expliquer qu’ils étaient des animateurs de radio, que leur salaire n’allait pas chier si loin que ça et que leur bouteille d’eau pourrait, à terme, leur coûter cher.

1 commentaire sur "Impressions citadines par Catherine Dorion – Soins de santé : une bouteille qui va leur coûter cher"

  1. Rien n’est parfait. Je vis au USA depuis 5 ans et je suis loin de m’ennuyer du systeme de sante quebecois!
    D’un autre cote, l’assurance medicale americaine coute tres TRES cher. C’est vrai que l’on se fait offrir des soins inutiles (je me suis fait offrir une double fusion de la colonne vertebrale pour soigner un mal de dos chronique alors que le yoga a tout gueri). Les couts de sante sont exorbitants – 12000$ pour un accouchement naturel sans medicaments ni complications (au total 2000$ sont sortis de ma propre poche).
    Mais on a du service. Obtenir une resonance magnetique le lendemain matin, se faire offrir une chirurgie la semaine prochaine, pour quelqu’un qui souffre, ca n’a pas de prix.

    Aux USA, you get what you pay – a lot – for. Au Quebec, on paie et on a pas de service. Aucun de ces systemes de sante ne fonctionne vraiment. Peut-etre qu’au lieu d’essayer de copier sur nos voisins du Sud le Quebec devrait regarder ailleurs pour trouver un systeme de sante qui en vaille la peine?

    Mais arretez de vous cacher derriere les politiciens, eux n’agiront que dans leur propre interet, i.e les lobbies des compagnies pharmaceutiques.

    Il serait grand temps que les quebecois se reveillent, arretent de regarder Star Academie ou les prouesses de Pacioretty et commencent a s’impliquer en politique.

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